Edition 2022

4ème édition : noce de campagne

2 juillet – 18 septembre 2022

Sans Titre, Vladimir Skoda , tôle d’acier inoxydable, diamètre 200 cm, 2019

Commissariat : Sophie Auger-Grappin

avec :

Karine Bonneval

Delphine Ciavadini

Léa Devenelle

Claude Pasquer

Paul Ricci

Marjolaine Turpin

Vladimir Skoda

Polyrythmie (détail), Claude Pasquer, peinture acrylique sur tôle galvanisée, 2022

Noce de campagne

Sur les doux valons de la campagne du Pays fort, souvent situés au sein d’un hameau entouré de bosquets, non loin du clapotis d’une rivière se dressent des bâtiments séculaires qui portent la mémoire collective de l’histoire paysanne. Les granges pyramidales ont ceci de mystérieux et de fascinant qu’elles ont été des lieux de forte signification sociale. Souvent partagées par plusieurs familles qui battaient ensemble le grain et logeaient leur bétail, elles s’y rassemblaient à la Saint-Jean ou le temps d’un banquet de mariage pour jouer de la musique, chanter, danser, partager les moments forts d’une vie populaire autarcique. Non loin de ces hauts lieux de mémoire orale, les lavoirs constituaient aussi des espaces de rencontre animés et bruyants, presque festifs, où se retrouvaient régulièrement les habitantes entourées de leurs enfants en bas âge autour de la corvée de linge.
Si ces espaces étaient régis par un travail communautaire souvent collectif, ils étaient tout autant importants pour les relations sociales qui s’y jouaient, pour les temps de célébration qui s’y déroulaient où s’échangeaient des paroles et des gestes, des savoirs, non conscients ou « insus »

Noce de campagne emprunte son nom à la chanson écrite en 1964 par Marie Laforêt décrivant avec émotion le souvenir tendre de la célébration d’un mariage paysan traversant gaiement la campagne suivi d’enfants. Elle est alors le témoin ému d’un monde en profonde mutation, transformé par la révolution industrielle, la motorisation et les remembrements de l’époque moderne.

Traversant des lieux paysans et agricoles de différentes époques jusqu’à aujourd’hui, le nouveau parcours d’allons-voir propose d’arpenter cette campagne au gré des sculptures et installations artistiques révélant par l’appropriation d’une histoire, d’un geste ou d’une pratique, un pan de ce patrimoine oral et populaire oublié.

Chahut (détail) de Delphine Ciavaldini, foin ficelle de chanvre, fleurs séchées, 2022

Ainsi l’artiste Delphine Ciavaldini touchée par l’intérieur intimiste de la Grange du Joliveau a choisi d’y déployer une œuvre composée de végétaux séchés tels que le foin, le chanvre et la ficelle tressés et cousus pour échafauder un double abri dans la grange. Une véritable architecture végétale hirsute laissant planer l’idée qu’elle a pu être le théâtre de rassemblements évanouis. Adepte des pratiques discrètes passant par la broderie, la culture du jardin, le dessin, le modelage, Marjolaine Turpin s’initie depuis peu à la réalisation de pièces en verre. Elle choisit les lavoirs du Noyer et de Concressault marqués par le labeur des lavandières recherchant la blancheur et la douceur des linges. Elle conçoit un ensemble de jardinières en verre suspendues ou flottantes à la surface de l’eau telles des jardins de mise en culture des plantes utilisées durant les buées. Humidifiées en permanence par des liens de cotons reliées au bassin, ces capsules inversent le processus en faisant du linge et de l’eau, des agents de culture de plantes saponaires.

Les verres buées, Marjolaine Turpin, jardinières en verre peintes à la grisaille, lierre, saponaires, fougères, lavande, 2022


Dans le hameau du Moulin Riche à Concressault, Karine Bonneval, en collaboration avec la potière Charlotte Poulsen, présente une sculpture inédite de fontaines de jouvence en céramique permettant la dégustation de sève de bouleau. Partant de l’hypothèse selon laquelle les granges pyramidales remontent au passage des vikings sur la Loire au IIIème siècle, Karine Bonneval développe une œuvre à partir de l’arbre de bouleau que ce peuple a particulièrement exploité pour ses multiples vertus. L’œuvre Berkanan constitue le premier volet d’une recherche plus largement consacrée à cette étude du bouleau menée en collaboration avec le scientifique Nicolas Visez du Lasire de Villeneuve d’Ascq. Dans la grange pyramidale de Vailly-sur-Sauldre, Karine Bonneval présente également une pièce de 2018 conçue elle aussi en collaboration avec Charlotte Poulsen. Ecouter la Terre nous donne une interprétation riche et complexe du sol sur lequel nous marchons. S’intéressant aux dialogues invisibles avec le vivant qui nous entoure, elle imagine différentes céramiques en forme de fungis dressés, modelés et sonorisés à partir des captations faites de l’activité vivantes de la terre.

Sans titre (Molécule II), Vladimir Skoda, acier inoxydable, miroir poli, diamètre 110 cm, 2020


A Vailly-sur-Sauldre, c’est d’abord l’œuvre sphérique de Vladimir Skoda qui fait face à la grange pyramidale. L’artiste tout d’abord initié à la forge, façonne depuis plus de 50 ans des sphères en métal poli mais aussi des formes réfléchissantes convexes et concaves, et d’autres en métal perforé prenant comme point d’entrée le mouvement du regardeur et de son environnement comme élément de métamorphose du monde et de connexion avec les astres. La grande pièce sphérique extérieure fait face à la pyramide, comme les formes géométriques initiales d’un jeu de construction à l’échelle du paysage.

Sans titre (sac à dos), Léa Devenelle, toile de jute, peau de sanglier, bambou et sangle, 2022


Deux jeunes artistes diplômés de l’Ensa Bourges, rejoignent l’édition d’Allons-voir cette année. Familière de la ruralité et des pratiques de la chasse, Léa Duvenelle développe une œuvre sculpturale et performative portant un regard parfois amusé et avant tout engagé sur la relation ambivalente que l’homme entretient avec l’animal sauvage, plus communément identifié comme le gibier des campagnes. Troublant les perceptions et l’appréhension qu’on ressent des espaces, Paul Ricci utilise le dessin et la technique du trompe l’œil architectural pour perturber notre approche du patrimoine.

Presque sur le seuil, Paul Ricci, fusain et graphite sur papier, 7 portes en matériaux divers, 2022

Enfin, sur le site récent des silos de Badineau à Barlieu, cette année verra la création d’une œuvre polychrome monumentale et pérenne de l’œuvre “Polyrythmie”, de Claude Pasquer dont la réalisation sera inaugurée en septembre. L’artiste adepte d’une pensée picturale propre aux principes combinatoires de l’art concret a imaginé sur les cylindres des silos des séquences chromatiques orchestrant la diffraction lumineuse des six couleurs de l’arc-en-ciel.

Polyrythmie, Claude Pasquer, Peinture acrylique sur acier galvanisé, 2022

Appropriations d’histoires, d’images, de gestes, de rituels collectifs, mais aussi inventions de narrativités insoupçonnées, les artistes ne sont pas des « faiseurs d’objets ». Ils cherchent au contraire à se positionner du côté de l’activité créatrice de l’être humain dans l’idée d’échapper à la catégorisation, au conformisme et d’inventer une autre dimension esthétique du monde.

Sophie Auger-Grappin
Commissaire de l’édition 2022
Directrice du Centre d’art contemporain d’intérêt national
Le Creux de l’Enfer à Thiers