Edition 2019

 

allons voir ! première édition :

allons voir et sentir la terre 

Florence Chevallier

Photographe / Vidéaste ; enseignante à l’ENSA Bourges

L’oeuvre vidéographique et photographique de Florence Chevallier (née en 1955, vit et travaille à Paris), tout en investissant la pratique du paysage, du portrait, de l’autoportrait, et de la scène de genre, se déploie entre le document et l’allégorie. La question du temps, de l’érotique du corps et du paysage sont au coeur de ses préoccupations. Le paysage chez Florence Chevallier est comme hanté par une mélancolie qui infléchit souvent ses oeuvres vers la vanité.

Le temps est une donnée récurrente et fondamentale de son travail et ce à plusieurs titres. A la fois comme mesure d’une distance entre Les Philosophes (1996), celui de la scène figurée et celui de ceux qui la regardent. Et comme une conscience de l’écart entre la perfection de l’instant et l’altération que le temps produit. Le travail du temps est ici matérialisé aussi bien dans le devenir que préfigure l’image de l’articulation entre les cycles de la vie (Les Philosophes) que dans la conscience de ce qu’il produit comme perte. Conscience qui donne aux photographies de Florence Chevallier une lumière aux couleurs de la mélancolie. Il y a ainsi dans certaines de ses vidéos quelque chose de la vanité comme on peut le voir dans Brève durée mais aussi dans d’autres photos et vidéos de l’artiste.

(extrait d’un texte de Philippe Cyroulnik, 2013, pour l’exposition Brève Durée, centre d’art contemporain de Montbéliard/Ecole d’art Gérard Jacquot, Belfort)

http://www.florencechevallier.org

© André Guenoun
“Amour Utile”, 2019, capture d’écran © Florence Chevallier

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Olivier Leroi

Après avoir suivi une formation de forestier en Corrèze, Olivier Leroi a été élève de l’Institut des hautes études en arts plastiques, sous la direction de Pontus Hulten. Eclairé par cette nouvelle expérience, il a développé un travail de dessin et de sculpture dont le fil rouge est la relation au milieu. L’oeuvre advient par un échange qu’elle cristallise, elle s’insère dans une matérialité qu’elle sonde et amplifie. Fondée sur l’économie du geste et une observation affinée qui se joue des échelles, elle s’apparente à une opération de dévoilement de la réalité dans ses dimensions sensibles, cognitives, émotives.

portrait Olivier Leroi © Franck Gerard
Installation d’Olivier Leroi à la grange des Chenuets : où il est question d’art, de mamelles, de pyramides et de fromage.

http://www.olivierleroi.net

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Christophe Cuzin

Artiste peintre en bâtiment

Supports /Surfaces, BMPT, les questions sur l’objet, l’épaisseur de la peinture, la tranche, le châssis, le monochrome, la couleur, la planéité ; tout cela constituait le contexte de mes études. 

Aujourd’hui, cela m’excite de pousser la question jusqu’au bout. Si je peins au rouleau sur un mur, est-ce que c’est encore une œuvre ? Est-ce que cela parle de la couleur ? Comment poursuivre la déconstruction du tableau et l’impersonnalité d’un geste ? Ce  que je souhaite avant tout, c’est que des gens puissent se dire en voyant mon travail qu’ils peuvent en faire autant et s’ils n’ont pas ce sentiment alors je ne vois pas la nécessité de faire l’œuvre ; parce que la véritable interrogation, ce n’est pas comment cela a été fait mais de se demander pourquoi on le fait. Ce sont ces réflexions qui m’ont amené vers la non prouesse, voire la délégation du travail. Je ne sais toujours pas si je suis figuratif ou abstrait. Souvent je me sens plus figuratif que les peintres figuratifs dans la mesure où je représente ce sur quoi je peins, c’est à dire l’architecture du lieu, qui elle est bien concrète. Pourtant, je ne repousse pas la forme abstraite, je la défends avec énergie. Je trouve d’ailleurs assez significatif que la peinture qui est déclarée morte à peu près tous les dix ans, renaît toujours par la figure. J’en conclus que c’est l’abstraction que l’on veut tuer, comme si la peinture n’était destinée qu’à la figuration.

Entretien radiophonique réalisé en partenariat avec Radio Bro Gwened http://www.radiobreizh.net 

http://www.cuzin.canalblog.com

La grange du Joliveau transformée en véritable pyramide par Christophe Cuzin, au moyen de bâches d’ensilage colorées.

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Hervé Rousseau

Céramiste

J’ai choisi de travailler le grès brut par passion pour cet art traditionnel qui fournit des objets du quotidien avec cet aspect vivant qui est la marque du passage du feu. Mon regard s’est forgé avant tout sur des pièces anciennes. Les empreintes, marque du passage de la main du potier m’ont toujours particulièrement touché. J’ai pris l’habitude d’en laisser à mon tour sur mes pots.
Dès le façonnage, j’ai en tête l’enfournement et le travail du feu. Ce façonnage est l’autre signature qui rend la pièce unique. Celle-ci est intimement liée au four qui joue un rôle double et contradictoire, de contrainte technique et de libération de l’imagination. Je cherche d’abord la simplicité, une évocation plutôt qu’une désignation, une figuration. Plus que la recherche de formes spectaculaires, ma démarche de créateur consiste à explorer le plus loin possible le langage plastique offert par la rencontre d’un matériau, en l’occurrence le grès brut, et la technique spécifique de la cuisson au bois. Le geste juste me permet de dévoiler l’intention, de laisser l’empreinte de la rencontre de la main et du grès, tout en protégeant le rôle primordial joué par la matière.

http://www.laborne.org/fr/herve-rousseau

La table monumentale (céramique, bois, métal) installée par Hervé Rousseau devant la grange pyramidale de Vailly

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…et trois artistes de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Bourges, Lucile Lacape, Joëlle Forestier et Louise Melon.

Lucile Lacape et Joëlle Forestier
Louise Melon
Une archéologie du futur, proposition de Joëlle Forestier à la grange de Vailly à partir d’objets du quotidien
Evocation poétique d’une mémoire de dallage: installation de Lucile Lacape dans les ruines du lavoir du Joliveau.
Le monde futuriste et inquiétant de Louise Melon, photo présentée aux silos de Badineau

http://www.ensa-bourges.fr

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Sandrine Moreau

Commissaire artistique de la manifestation

Diplômée d’un DEA d’Histoire de l’art, spécialiste de la peinture contemporaine non figurative, Sandrine Moreau s’est formée à la Friche La Belle de Mai – Marseille, et au Centre International d’Art et du Paysage de Vassivière en Limousin.

Elle est responsable du service des arts plastiques de la Ville de Nanterre depuis 2004. Elle a été responsable de la programmation de la galerie municipale Villa des Tourelles de Nanterre de 2004 à 2013 où elle a commissarié et co-commissarié une trentaine d’expositions réunissant environ 200 artistes internationaux. Elle dirige maintenant l’espace d’art La Terrasse de Nanterre. https://www.nanterre.fr/1499-la-terrasse-espace-d-art.htm

Elle est membre du Conseil d’administration de Tram – réseau de 30 lieux d’art contemporain en Région Ile-de-France: http://www.tram-idl.fr

Parmi les projets artistiques originaux accompagnés par Sandrine Moreau, on peut citer les expositions collectives « Color energy, la couleur à dessein », « No walk no work, pas de marche pas d’oeuvre », « Télémétries, artistes et télévision », « …avec lesquels j’exerçais dans l’ombre …», « Home ? Figures des migrations », « Les autres oeuvres, la peinture et ses images », « Je comprends moi aussi le langage des oiseaux », etc.

Allons voir et sentir la terre
par Sandrine Moreau
commissaire du parcours


Les neuf artistes réunis pour cette première édition d’Allons voir ! en Pays Fort sont des artistes contemporains ! Ils sont vivants. Ils partagent avec nous le monde rurbanisé, accéléré, contradictoire. Ils vivent sur la même planète Terre dont la nature sublime, la faune et les humains en premier lieu, est menacée. Or on apprécie le rapport au monde dechacun de ces artistes : un rapport curieux et ouvert, lucide. Parfois engagés dans des tentatives de reconfigurations d’un monde qui perdrait trop de sens, à travers leurs oeuvres surtout, ils vivent un rapport politique à la contemporanéité. Leurs créations s’inscrivent
en pensées dans leurs perceptions du réel, dans le contexte de leurs apparitions.

Leurs oeuvres sont terriennes, politiques, poétiques, élégantes et
parfois drôles. Chacun des artistes avec nous a témoigné de son
formidable intérêt pour le patrimoine des granges pyramidales du Pays Fort, pour l’ingéniosité, la technicité, l’histoire sociologique et intime qu’elles transmettent.

Chacun a goûté la douceur des rondeurs du bocage et les saveurs de ses spécialités. La sélection des neuf artistes est écologique ausens étymologique du terme, de « écologie » qui signifie le discours, la science (logos) de la maison
(oïkos), ce qu’on traduit aujourd’hui par le local. Un local qui cependant ne devrait jamais rimer avec un enfermement sur soi. Les artistes de la sélection
entretiennent ainsi des liens avec le territoire du Pays Fort, de plus ou moins près. Valoriser les artistes qui y vivent ou y sont attirés pour différentes
raisons antérieures à Allons voir ! est au coeur de la démarche des animateurs de ce parcours. L’enjeu est de créer des liens, des interactions pour participer
à la socialisation ou la sociabilité du territoire.

Tisser aussi avec l’Ecole nationale supérieure d’artde Bourges, le Centre de céramique de la Borne et le FRAC Centre-Val de Loire a constitué un enjeu de mise en résonance des richesses culturelles et artistiques du Pays Fort. Tisser
encore avec chacun des propriétaires des granges, avec les artistes, ou tout autre acteur de la vie touristique, politique, économique, sociale, La diversité
des pratiques de médiums de Florence Chevallier, Christophe Cuzin, Joëlle Forestier, Lucile Lacape, Olivier Leroi, Louise Melon, Hervé Rousseau, ainsi
qu’Alisa Andrasek et José Sanchez avec le FRAC Centre-Val de Loire, a contribué également aux couleurs de ce parcours : peinture, vidéo, sculpture, oeuvres conceptuelles et néanmoins concrètes et matérielles, ludiques, etc. qui permet de découvrir le large éventail formel qu’ouvre l’art contemporain.

Allons voir ! a été conçu dans le plaisir des découvertes des paysages, des habitants, des lieux, de l’histoire, des émotions esthétiques. Gageons que
le parcours vous procure de la joie et du sens, dans une visite responsable, respectueuse de ses habitants et de l’environnement naturel du Pays Fort.